Les mains profondément enfoncées dans les poches arrières de son pantalon, Ambrose toisait sa génitrice avec dédain. Cette dernière s’activait à donner des ordres aux elfes de maison avec une frénésie relativement inquiétante. Gentil garçon, il ne souffla mot et se contenta de froncer les sourcils. Il avait l’étrange impression de recevoir le Ministre de la Magie à dîner alors que ce n’était qu’une vieille tante malodorante qui allait mettre les pieds sous la table. Ambrose s’était rendu compte que sa mère était mal considérée dans la famille Bregstone. Quel était donc ce monde où les mères célibataires étaient pointées du doigt ? Né d’une passion interdite (car point de mariage entre les deux amants), le jeune homme savait pertinemment que le statut irréprochable de sa mère s’était terni lorsqu’elle s’était retrouvée miraculeusement enceinte. D’où l’apparition régulière d’une chèvre bigleuse à leur table, et cela depuis sa naissance. A croire qu’une simple erreur pouvait vous poursuivre aisément toute votre vie.

Il se pinça l’arrête du nez, prêt à arborer la moue la plus délicieuse qu’il avait en réserve. Cependant un torchon vint astiquer avec application ses pommettes, ses paupières et le bout de son nez. Ambrose se dégagea et pesta contre sa mère qui, toute de rose vêtue, ressemblait à une grosse framboise. Il se garda bien de le lui dire.

« Maman, sérieusement… Tu ne crois pas que ce que tu fais est un peu too much ? » Le jeune homme leva légèrement les mains afin de se préserver d'une autre éventuelle attaque de serviette. « Tu reçois la visite de tante Ginevra depuis... depuis ma naissance, à vrai dire. Tu ne crois pas qu'il est grand temps de se rebeller ? »
« Tu me vois me rebeller ? » L'absurdité de ses paroles lui arracha un sourire. Celui-ci se transforma rapidement en une grimace d'anxiété alors qu'elle jetait des regards éperdus de reconnaissance aux elfes qui leur fonçaient dans les jambes. « Ne raconte pas des idioties plus grosses que toi. Et va te changer, on dirait un de ces moldus qui dorment sur les trottoirs. »

Les lèvres pincées, elle claqua doucement sa joue fraîche avant de se jeter sur un elfe qui essayait de se punir en se frappant le crâne avec un chandelier.